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Le 4 août: Un avant, Un après

“Cette toile m’a permis d’exprimer ma tristesse causée par l’explosion de Beyrouth du 4
août. Les personnes en noir représentent les libanais qui tentent de réunir les coeurs brisés
du peuple alors que les maisons et les voitures sont détruites. Les anges symbolisent les
héros de l’explosion.” -Yara Zaroui

Lorsque la mer se noie

Un pas, un craquement. Un pas, un battement de cœur. Un pas, une larme. Un regard plus
flou, sur un paysage plus fou.
Un regard jeté sur ce qui l’entoure, une vision déchirante.
Du sang.
Des débris.
Partout.

Elle ferme les yeux; il faut échapper à cette scène cauchemardesque. Du rouge, que du rouge,
du rouge partout. Elle ouvre les yeux; il ne faut pas succomber. Un regard à gauche, un
regard à droite, une infinité de visages brisés, mais toujours la même scène qui se répète en
boucle.
Elle n’entend rien, que le bruit assourdissant des battements irréguliers de son cœur, et de ses
pas en écho, alors qu’elle traverse cette ville consumée, ce champ de bataille ravagé.
Une douleur atroce lui bloque les poumons, elle lève les yeux vers le ciel, d’un bleu
atrocement beau, et continue à avancer. Un drap blanc couvre désormais son regard, elle ne
discerne plus rien. Alors, elle commence à courir, courir désespérément, comme si sa vie en
dépendait, parce que sa vie en dépendait.
Un pas, un craquement. Un pas, un battement de cœur. Un pas, une larme.
Puis, elle sombre. Elle tombe lentement, sur la ruelle parsemée de débris de verre. Un goût
métallique. Un dernier regard vers l’infinie étendue azure. Une dernière pensée. Plus rien.

  • Luca Maalouli, élève de première
    Le 4 août, à 5:30 de l’après-midi, deux filles de 16 ans s’apprêtaient à se rendre à un dîner
    avec quelques-unes de leurs amies, et se mirent à choisir leurs habits. Une d’entre elles est au
    Liban, alors que l’autre vit en France. À 5:45, elles appliquaient soigneusement leurs
    maquillages. À 6 heures, elles saluèrent leurs parents et étaient toutes les deux sur le point de
    quitter leur maison. À 6 heures, 7 minutes, la fille française se rend en métro dans son
    restaurant préféré. À 6 heures, 7 minutes, la fille libanaise se cachait sous la table de sa
    cuisine, ne réalisant pas ce qui se passait. La Française se promenait dans les rues de sa
    capitale, savourant le brouhaha de cette ville qui lui est si familier. La Libanaise tremblait,
    assourdie par un bruit terrible, accompagné des cris de sa mère, des fracas de verres et des
    pleurs de sa sœur et de son frère. Était-ce un tremblement de terre ? Une bombe israélienne ?
    Le début d’une guerre ? La fin du monde ? Non, c’étaient 2750 tonnes de nitrate
    d’ammonium qui ont explosé dans le port de Beyrouth. C’était le gouvernement corrompu
    qui avait assassiné Beyrouth, encore une fois. Mais elle n’était toujours pas au courant de
    cela. D’ailleurs, elle n’était au courant de rien. Elle ne savait pas que la moitié de sa ville était
    désormais détruite. Elle ne savait pas qu’il y a eu plus de 210 morts, 7 000 blessés, et que les
    maisons de plus de 300 000 personnes se sont écroulées. Elle ne savait pas si elle allait s’en
    sortir vivante, et elle ne savait pas si ses amis et sa famille étaient vivants. Elle ne savait pas
    que dans les prochains jours elle allait pleurer toutes les larmes de son corps, faire ses adieux
    à la moitié des personnes qu’elle connaît, et descendre chaque jour, elle une fille de 16 ans,
    auprès de tant d’autres comme elle, recoudre les lambeaux de sa ville déchiquetée et
    ensanglantée. En parallèle, la fille française était à table, en train de s’amuser avec ses amies,
    insouciante, car c’est de cette façon qu’une adolescente de 16 ans est censée passer sa soirée.
    Elle est censée sortir, danser, se soucier de ses études et de l’université. Une fille de 16 ans ne
    devrait pas se demander si elle verra le lendemain. Une fille de 16 ans ne devrait pas endurer
    60 longues minutes à appeler toutes ses connaissances, et faire une crise de panique avec
    chaque ligne fermée. Une fille de 16 ans ne devrait pas lutter pour avoir accès aux plus
    simples nécessités de la vie comme l’eau et l’électricité. Une fille de 16 ans ne devrait pas se
    demander s’il y a toujours un futur pour elle dans son pays qui ne fait que s’écrouler encore
    et encore.
  • Yara Daher, élève de première

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