L’éloge de la laideur
Youssef BOU KHALED, Première
Après avoir battu le « beau garçon » devant tous les élèves du lycée, le « garçon moche » prononce un discours
Le Beau était sur le sol, sa tête entre ses mains, le sang coulait de son nez déformé. Alors Le Moche, détournant son regard de ce dernier, afin de percer des yeux la foule qui les encerclaient s’écria:
“Quant à vous! Je vous ferai part d’une pensée qui n’a cessé de frôler ma conscience, ces derniers temps. Contrairement à celle qui me hantait depuis des années, depuis mes premiers jours scolaires. Puisqu’en effet, je ne vais pas parler du harcèlement verbal qu’on m’a fait subir, et qui n’a fait qu’augmenter ma rage. Malgré ce désespoir et cette frustration qui pesaient péniblement sur le fil de mes pensées, l’idée que j’ai comprise et qui m’est venue à l’esprit, a su se désorienter et à ne pas être muté par mes émotions et vos opinions. Maintenant que vous êtes autour de moi et du vôtre, autour du laid et du beau, de la perfection et de la malédiction… Que vos regards convergent sur moi de la même manière qu’ils l’ont toujours fait! Certes, la jalousie ne faisait que me démanger et me ronger par dedans. Durant des années, je rêvais d’être comme vous chaque soir, je rêvais de vous ressembler, je rêvais d’être beau mais en réalité j’étais si différent, si laid pour être ce que vous étiez pour moi.
Et puis un jour, j’ai compris que la laideur était ce qu’il y avait de plus beau dans ce monde. Ne vous étonnez point de cette assertion, laissez moi finir et je vous laisserai juger si ce que je dis est valable.
Ce qu’il y a de plus beau dans ce monde, c’est la laideur. Et pourquoi? Me demanderiez vous. Parce que la laideur est directe, parce qu’elle est honnête, parce qu’elle est préjugée et rejetée aveuglément. La laideur est comme la couverture d’un livre des fois, on juge l’image sans la regarder mais en la voyant. On juge sans comprendre, on juge sans savoir, on juge dans l’ignorance et sans lecture. Telle est la laideur, ignorée, négligée, regardée de loin, regardée dans l’ombre, regardée d’une seule dimension. Quant à la beauté, ô cette perfection! Me diriez-vous? Mais au fait, comme tous ceux qui ne cessaient et qui ne cessent de répéter cette affirmation « la perfection n’est pas de ce monde » je la répète aussi pour vous montrez qu’en effet, la perfection n’existe pas ici, sur Terre. Je disais il y a un moment que la laideur est préjugée. Or la beauté est aussi bien préjudiciable que celle-ci. En effet, la Beauté est aussi directe, parce qu’elle semble honnête, parce qu’elle est acceptée lucidement. La beauté que vous aimez est sensible, puisqu’elle est perçue par les yeux, par les sens, or la fiabilité des sens n’est jamais assurée. Étant donné que la beauté ressemble à la couverture d’un livre aussi bien que la laideur. On juge l’image en l’analysant en l’observant, on l’apprécie tellement que l’on est aveuglé par celle-ci de la vérité qu’on lira à travers les pages et les lignes, on ne saura plus juger ce que nos yeux ont trouvé si beau de laid, ni l’accepter. Ainsi, la beauté est aveuglante. D’ailleurs, lorsque vous êtes aimé c’est à cause de votre beauté. Alors que pour nous, lorsqu’on est aimé c’est à cause de celle qui émane de notre âme, c’est à cause de la beauté spirituelle emprisonnée dans cette machine difforme. Or, vous êtes confiant, vous êtes heureux de la victoire que vous assure cette beauté. Mais vous, qui n’avaient jamais brisé votre miroir ne savaient pas, que la gloire et la victoire ne peuvent remplacer la vérité. Vu que votre don et votre élégance vous ont été confiés et donnés par le hasard. Cette beauté qui est à l’origine de votre fierté, ne vous a été donné que par chance. Alors vous comprendrez que vous semblez être beau, vous pensiez l’être, mais que vous ne l’êtes pas vraiment, vous le semblez uniquement, mais la vérité… vous ne l’étiez jamais. Car une chose que vous réaliserez, c’est qu’on vous néglige à vous, c’est qu’on ne vous aime pas réellement, parce qu’en réalité c’est la beauté que vous avez hérité par le hasard qui a forgé l’amour que vous recevez et non pas vous et votre personne au sens propre. On est attiré par vous, parce que vous semblez être beau, mais c’est qu’en se rapprochant de vous qu’on finira par mettre en tête et comprendre que vous ne l’étiez jamais. Étant donné que l’amour qu’on vous a donné à germer en ceux qui vous ont aimé comme ont germé les fruits dans les jardins d’Adonis. Mais pour ce qui en est de nous, l’amour que nous recevons est pareil à l’enracinement, à la germination insensible et en maturation. Nous recevons l’amour en sans masque, sans coquille, nous le recevons nue. Et avec sa maturation, son enracinement, sa construction et son incarnation. Car pour être vrai il n y a rien de plus beau que de trouver de beau ce qu’on pensait jadis laid et abominable. C’est la vérité, que l’on reçoit une vérité dépouillée de fardeau et de carapace, si on est aimé c’est pour qui nous sommes pas pour ce qu’on semble être. »