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Quitter son pays, Quitter son école

Témoignages d’élèves qui ont quitté le pays et le Collège après l’explosion du 4août

May MAKKOUK “Quitter le Liban a toujours été une certitude pour moi. Le plan était simple : plus que deux ans de vie dans mon pays avant de le quitter pour l’université. Imaginez ma surprise alors lorsque deux ans se sont réduit à quelques mois, suite à la décision de ma famille de fuir la crise économique et ses malheurs.

C’était compréhensible : un pays où les conditions de vie ne faisait que régresser, où explosion suit manifestations qui suivent dévaluation ; pourquoi ne pas s’enfuir si l’on a l’opportunité ? Toutefois, malgré ses maux et ses douleurs, il demeure mon Liban à moi, mon Liban qui souffre et mon Liban qui pleure. Comment se détacher de lui ?

La promesse d’une vie glorieuse à l’extérieur n’est pas suffisante pour faire taire la peur qui accompagne cette décision. Je ne connais rien autre que la vie dans le pays des Cèdres, et n’était pas prête à l’abandonner si tôt. Je me rassurais, me disait que je serais sans doute plus heureuse ailleurs. Or, rien ne m’encourageait à partir autant que la certitude que je reviendrais un jour.

Alors, mon courage dans mes mains et mon âme restée à Beyrouth, je suis partie.

J’entends dire que la diaspora est chanceuse, qu’elle mène une vie aisée éloignée des infortunes libanaises. Je ne déni pas la chance que j’ai, de pouvoir sortir dans les rues sans craindre les violences, ou entendre un bruit lourd sans trembler de peur. Aucun regret ne me hante, ni aucun souhait d’être restée.

Mais, loin d’être à l’aise, la culpabilité me ronge. J’ai quitté laissant le Liban en flamme derrière moi. Pourquoi m’enfuir et ne pas rester pour me battre ? Comment partir et laisser mes amis au fond du gouffre ? Espérer et prier que la situation s’arrange ne semble pas assez, mais je n’ai que ça à faire.

Partir signifie souvent se détacher. Cependant mon départ n’a fait que renforcer l’amour éternel que j’ai pour ma patrie. Même lorsque j’ai vu le Liban s’écrouler, je le défends avec ferveur et ardeur à quiconque lui dirige un mot. Le soir venu, mes yeux se fixent à la télévision sur Al Jadeed pour rattraper tout ce que j’aurais pu rater. Au sein des conversations, je saisis chaque opportunité pour leur parler de mon pays. Je continue à manger et parler libanais, et ne cesse jamais d’être fière de ma nationalité.

Il est vrai que j’ai quitté le Liban, mais le Liban lui ne me quitteras jamais.”

Robby DEBBAS “Je ne peux pas nier le fait que mon départ du Liban m’était une échappée. Je suis certain que dans d’autres circonstances, moins désastreuses, ce besoin de partir n’existerait pas, au contraire, ça m’aurait fait de la peine. Pourtant, après 8 mois et quelques aux Emirats Arabes Unis, je ne peux pas nier non plus mon attachement à mon pays d’origine qui se manifeste tous les jours de plus en plus. Se détacher brusquement des relations forgées dans l’espace d’une quinzaine d’années ne semblait initialement pas difficile aveuglé par la splendeur des gratte-ciels de Dubaï. Mais l’habitude reprend toujours le dessus et cet environnement qui fait partie de mon nouveau quotidien n’est plus suffisant pour combler la totalité de mon manque. Je peux donner l’impression que je ne suis pas satisfait de ma nouvelle vie quand en réalité j’en suis fortement reconnaissant. Je dois admettre que mon intégration s’est faite avec beaucoup de facilité et que les connaissances se sont vite transformées en des amitiés qui sont à mes yeux tout aussi précieuses que celles que j’ai eu précédemment. Ici, la qualité de vie, notamment la sécurité, me tranquillisent la conscience. Par contre, le relief et la nature ne figurent pas dans ce désert. Je pense finalement que je ne peux pas nier le fait qu’habitude et attachement vont de paire et que désormais où que je sois, le manque est omniprésent.”

Maria DELGOPIATOF “J’étais en 4ème lorsque mes parents m’ont annoncé qu’on devait quitter le Liban et partir pour Dubaï. J’ai tout de suite su que ma vie allait changer et la première chose qui me vint à l’esprit, et que j’appréhendais le plus, c’était le changement d’école. Je suis arrivée au Collège Louise Wegmann dès le petit jardin et y avait jusque-là accompli toute ma scolarité. Ses murs jaunes formaient ma deuxième maison. Mes excellents professeurs et mes camarades de classe extraordinaires étaient devenus ma deuxième famille. Leur annoncer mon départ a été aussi difficile pour eux que pour moi, mais ils m’ont tous souhaité de la bonne chance et plein de réussite, malgré leur peine. C’était avec un pincement au cœur que j’expliquais à Mme Austa que je ne pouvais pas remplir et rendre la fiche de réinscription. Il ne me restait plus qu’à profiter de mes derniers moments en tant qu’élève au CLW. Après avoir fait mes valises et avoir pris l’avion, j’arrivais dans mon nouveau lycée. Si je n’ai eu aucun mal à suivre ce nouveau rythme de travail et me faire remarquer, c’est parce que j’avais été formée par le niveau d’excellence du CLW. Certes, je me suis maintenant adaptée à ma vie à Dubaï, mais mes racines et mon enfance demeurent au Liban et au CLW. Cela fait trois ans que je suis partie et je n’ai jamais eu l’impression d’être exclue ou oubliée – ce petit article en est la preuve. À chaque fois, j’attends avec impatience le moment de ma prochaine visite !”

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