
Article de Ralph HADDAD, écrit en juin 2021
« La science n’est pas la réalité » est une proposition qui peut d’emblée sembler choquante pour l’ensemble des lycéens, surtout pour ceux qui tous contents pensaient découvrir, par leurs cours scientifiques, comment fonctionne le monde. Toutefois, en approfondissant davantage notre réflexion sur ce sujet, nous réalisons qu’il ne semble pas si absurde que cela. La question, très profonde, mérite donc d’être posée : est-ce que ce que nous apprenons dans nos cours de sciences (physique-chimie, SVT …) correspond-il vraiment à la réalité ?
Étant moi-même un élève très intéressé par les mathématiques et la physique-chimie (d’où mes choix de spécialité et de parcours universitaire) ma réponse à cette question devrait être évidente… non ! Nous ne pouvons pas affirmer que la science est elle-même la réalité. Est-ce que cela implique que nos chers professeurs nous ont menti pendant toutes ces années? Surtout pas, puisque leur travail est simplement de fournir un contenu scientifique et non pas son implication philosophique.
Une théorie scientifique n’est autre qu’une forme d’accord de notre perception humaine avec la manière par laquelle se présente à nous le monde, et n’est en rien une propriété objective de ce monde-là. Dire que nous voyons le ciel comme étant bleu n’est pas une condition suffisante pour affirmer que le ciel est en lui-même bleu, puisque pour la chauve-souris par exemple, le ciel est rouge. Pouvons-nous savoir de quel couleur est réellement ce ciel ? Non, puisque nous sommes prisonniers des perceptions propres à notre race. Ceci n’est qu’un exemple simple, imaginez si nous parlons de théories très complexes tels que la relativité générale ou la physique quantique.
Il existe de nombreux autres exemples à cette idée abstraite. Personne ne peux dire ce qu’est un électron en réalité, mais je peux vous dire ce qu’il n’est pas : l’électron n’est sûrement pas cette petite et jolie boule, bien taillée et sphérique, que vous trouvez dans vos livres. Malgré cela, ce modèle de l’électron qui tourne en orbite autour du noyau a bel et bien été adopté par les plus grands physiciens de l’histoire. Sont-ils stupides à perdre leur temps avec un modèle irréel ? Bien évidemment non puisque c’est un modèle qui « marche », c’est-à-dire qui n’implique pas des résultats aberrants et opposés à ce que nous observons.
Ainsi, la condition suffisante pour qu’une théorie soit adoptée n’est pas son aptitude à être réelle, mais plutôt sa cohérence avec le phénomène observée et ce indépendamment de son abstraction ou de son apparente absurdité. Par exemple, les physiciens sont venus à conclure au XXème siècle que la lumière est tantôt une onde, tantôt une particule et que nous ne pouvons pas savoir d’avance si elle serait onde ou particule. Bien que cela semble très irréel, ce modèle de la lumière est le seul à pouvoir satisfaire à la fois les propriétés ondulatoires (diffraction et interférence) et les propriété corpusculaires (effet photoélectrique) observées, il a donc été adopté que cela plaise ou non. Malheureusement, la physique de la seconde moitié de XXème siècle ne s’est plus souciée d’accorder une réalité (ou du moins une interprétation) aux objets mathématiques qu’elle crée tant que ces objets-là ne sont pas sources d’incohérence, d’où l’esprit du « Shut up and calculate » de la physique moderne.
En somme, la science n’est pas une propriété qui précéderait notre existence et qui serait propre au monde, mais plutôt une création de l’Homme pour décrire ce qu’il observe. Comme ce qu’il observe ne relève que de la perception humaine, la science ne nous renseigne donc pas comme nous le croyions sur le fonctionnement du monde, mais sur notre vision de ce monde, deux choses qui peuvent être radicalement différentes.
J’espère que j’ai pu, par ce vocabulaire relativement simple, vous véhiculer la principale difficulté que sous-tend la question du lien entre la science et la réalité, et ce en vous exposant une nouvelle facette du problème, différente de celle que vous avec connu toutes ces années.